Lorsqu’un proche, un ami — ou peut-être soi-même — traverse des turbulences psychiques suffisamment sévères pour nécessiter une hospitalisation, une foule de questions surgissent. Et parmi elles, une revient inévitablement : combien de temps peut-on rester à l’hôpital psychiatrique ? Question simple en apparence, mais la réponse, comme souvent en matière de santé mentale, dépend de bien des nuances. Entre cadre légal, besoins médicaux, consentement du patient et observations cliniques, il faut parfois démêler le fil administratif de l’étoffe humaine.
Ce que dit la loi : trois formes d’hospitalisation
En France, la loi encadre strictement l’hospitalisation en psychiatrie, afin de protéger la liberté individuelle tout en répondant aux nécessités thérapeutiques. Il existe trois grands modes d’admission :
- L’hospitalisation libre (anciennement appelée « à la demande du patient »),
- L’hospitalisation sur décision du directeur d’établissement à la demande d’un tiers (formule souvent requise quand la personne ne peut plus consentir à ses soins),
- L’hospitalisation sur décision du préfet, justifiée par un danger imminent pour la personne elle-même ou autrui.
Chacun de ces cadres détermine des durées possibles, des contrôles judiciaires et médicaux, et des modalités de sortie. Explorons-les ensemble, en toute tranquillité.
Hospitalisation libre : tant que le patient en ressent le besoin
C’est le cas le plus simple et le plus fréquent. Une personne ressent un mal-être profond ou traversé d’angoisses, consulte un psychiatre, et se laisse convaincre d’entrer en établissement pour bénéficier d’un suivi plus rapproché. Dans ce cas de figure :
- Le patient reste maître de sa durée de séjour ; il peut sortir à tout moment sur sa demande, sauf en cas d’évaluation indiquant un risque imminent.
- La durée moyenne d’un séjour en hospitalisation libre tourne en France autour de 3 à 4 semaines, mais elle peut être beaucoup plus courte, ou prolongée si nécessaire.
Une amie, que je nommerai ici Claire, a trouvé refuge dans une unité psychiatrique après le décès soudain de son époux. Elle y est restée quinze jours. Ce fut, m’a-t-elle confié, la respiration salutaire dont elle avait besoin pour reprendre pied. Elle a pu mener ensuite un suivi thérapeutique en ambulatoire, plus souple, moins angoissant.
Quand l’entourage agit : l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT)
Dans certaines situations, la personne ne se rend pas compte de sa souffrance mentale, ou bien la nie farouchement. L’entourage ou le médecin traitant peut alors initier une demande d’hospitalisation sans consentement, à condition qu’elle repose sur :
- Une double expertise médicale : deux certificats médicaux indépendants décrivant la nécessité de soins et l’impossibilité pour la personne d’y consentir.
- La signature d’un tiers (généralement un proche), garantissant l’intérêt de la démarche.
La durée de l’hospitalisation telle qu’acceptée initialement ne peut excéder 72 heures sans nouvelle évaluation médicale. Passé ce délai, un avis psychiatrique actualisé doit confirmer la nécessité de poursuivre l’hospitalisation. Un juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi au plus tard dans les 12 jours pour trancher sur la validité ou non de la mesure.
Dans les faits, ces hospitalisations durent souvent environ 3 à 6 semaines. Mais elles peuvent être prolongées si l’état du patient l’exige, sur la base de certificats médicaux réguliers. La loi impose des points de contrôle à intervalles fixes (15 jours, 1 mois, puis tous les mois), garantissant un regard extérieur constant.
Danger grave et imminent : l’hospitalisation sur demande du préfet (SDRE)
Enfin, il existe une mesure plus grave, utilisée en dernier recours : l’hospitalisation d’office, dite aujourd’hui « à la demande du représentant de l’État ».
Elle est motivée non par le besoin de soins uniquement, mais par un danger immédiat que représente la personne pour elle-même ou pour autrui. Elle repose sur :
- Un avis médical circonstancié,
- Une décision administrative du préfet, sollicitée généralement par les forces de l’ordre ou les urgences.
Là encore, des contrôles rigoureux sont imposés :
- Examen médical sous 24 heures,
- Confirme ou infirme la mesure dans les 72 heures,
- Contrôle par le juge des libertés sous 12 jours, puis à intervalles réguliers.
Ces hospitalisations durent très rarement plus de un à deux mois. Elles visent à parer à un péril immédiat, pas à devenir des lieux de « rétention » prolongée. Une fois l’urgence levée, souvent le suivi est transféré en ambulatoire ou en service de jour.
Ce que l’hospitalisation cherche à préserver
Ces règles juridiques, parfois vécues comme rigides, sont en réalité bâties autour d’un équilibre délicat : protéger la liberté individuelle et garantir des soins à ceux qui ne peuvent plus faire ce choix pour eux-mêmes.
Lors d’un atelier lecture auquel j’assistais dans un petit hôpital parisien, une patiente me souffla à voix basse : « On m’a enfermée pour ma propre liberté. » Elle avait bien compris : l’hospitalisation psychiatrique n’est pas une punition, ni une mise à l’écart, mais un abri temporaire quand la tempête est trop forte.
Combien de temps peut-on rester ? Une réponse au cas par cas
Au fond, la durée d’un séjour psychiatrique dépend de trois paramètres :
- La nature de la pathologie : une dépression réactionnelle peut nécessiter 10 à 20 jours d’hospitalisation, quand une schizophrénie aigüe imposera un traitement plus long.
- Le consentement du patient : les hospitalisations libres sont souvent plus brèves, car ancrées dans une démarche volontariste.
- Le projet de soins global : certains patients sortent rapidement avec un suivi combiné (psychiatre, infirmiers, assistante sociale), d’autres trouvent dans la structure hospitalière un cadre rassurant, qu’ils quittent progressivement.
Il peut aussi arriver, et cela m’a été décrit par un médecin de Bourgogne, que certaines personnes âgées, isolées, soient « admises » en psychiatrie à défaut d’autre solution. Là encore, un accompagnement est nécessaire pour distinguer un vrai trouble psychique d’un isolement social extrême. La dimension humaine l’emporte, toujours.
Un mot sur la psychiatrie des personnes âgées
À mesure que les années passent, les fragilités psychiques ne disparaissent pas — elles prennent parfois d’autres visages. Démences débutantes, états confusionnels aigus, dépressions tardives : la psychiatrie gériatrique existe, dans des unités spécialement formées à l’accompagnement des aînés.
Les hospitalisations dans ce cadre s’avèrent souvent plus longues (2 à 6 semaines en moyenne), car il s’agit d’évaluer l’autonomie globale, l’équilibre médicamenteux, voire parfois orientation vers un lieu de vie plus adapté. Un soin dans la durée, pas un traitement de choc.
Et pourtant, j’ai vu des résurrections discrètes. Une résidente, longtemps mutique, reprenant goût à l’heure du thé avec quelques vers de Victor Hugo. Un autre se remettant à gratter quelques notes sur un violon poussiéreux. L’hôpital psychiatrique, quand il est entouré d’une équipe humaine et bienveillante, peut être ce lieu de recomposition lente, loin des clichés terrifiants qu’on lui associe encore trop souvent.
Des droits, une vigilance, et surtout… de l’humanité
Reste une évidence : nul ne peut être privé de liberté sans justification précise et contrôle indépendant. La législation française l’encadre avec sérieux. Mais au-delà des textes, ce sont la qualité des soins, le soutien de l’entourage, et le respect infini de la dignité des personnes qui rendent ces séjours, parfois douloureux, acceptables, voire nécessaires.
Alors, combien de temps peut-on rester à l’hôpital psychiatrique ? Autant que le besoin s’en fait sentir — et jamais un jour de plus sans raison. C’est dans cette tension entre protection et liberté que la psychiatrie, peut-être plus que d’autres disciplines, rappelle que soigner, c’est aussi — et surtout — accompagner.